Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Aux arènes de Vérone, en immersion dans la reprise de « Carmen », créée en 1995 par Franco Zeffirelli

Tous les étés, la ville des amants de Vérone vit à l’heure de l’opéra. Le festival lyrique des arènes, fondé en 1913, a fêté, en 2023, un centenaire que seules les deux guerres mondiales et la pandémie de Covid-19 ont momentanément interrompu. Le 7 juin, un grand gala diffusé en mondovision a célébré la récente inscription du chant lyrique italien au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, ouvrant avec panache la première édition du prochain siècle, qui se tiendra jusqu’au 7 septembre. Au programme, Le Barbier de Séville, de Rossini ; Carmen, de Bizet ; Aïda, de Verdi ; et une trilogie Puccini – Turandot, La Bohème et ­Tosca – pour honorer le grand compositeur italien disparu en 1924.
« Le public est revenu à son niveau d’avant la pandémie », se réjouit Cecilia Gasdia, première femme nommée, en 2018, au poste de surintendante de l’Arena di Verona Opera Festival. « Nous accueillons quelque 12 000 spectateurs chaque soir, dont 56 % d’étrangers venus de 128 pays – l’année dernière, par exemple, il y a eu 10 316 Français. Mais il nous faut encore améliorer la participation du public italien », précise-t-elle, énumérant les actions en direction d’un jeune, voire très jeune public, celui dont elle espère qu’il prendra la relève dans quelques années.
La relève, c’est exactement ce à quoi s’emploient, samedi 3 août, les soldats qui montent la garde sur la place de Séville dans Carmen. Le destin de la bohémienne va se nouer dans la grandiose production qui vit débuter Franco Zeffirelli (1923-2019) en 1995 aux arènes de Vérone, et dont c’est la quinzième reprise. Une mise en scène vivante et colorée, faite de tentures gitanes claquant au vent, d’affiches de corrida, peuplée de cigarières, mendiants et contrebandiers, d’enfants des rues et d’animaux, à l’aune gigantesque d’un lieu qui accueille encore aujourd’hui 20 000 personnes. C’est le troisième des plus grands amphithéâtres romains, après celui de Rome (le Colisée) et de Capoue.
Dans la fosse et sur le plateau, pas moins de 500 personnes. Outre les 95 musiciens de l’Académie philharmonique, dirigée par un jeune chef italien de 28 ans, Leonardo Sini, une dizaine de solistes, 188 danseurs (dont dix danseurs de flamenco de la compagnie Antonio Gades) ; 158 artistes des chœurs et trente-deux enfants de la maîtrise A LI. VE. ; cinquante-trois mimes ; 190 figurants (dont vingt-cinq enfants) ; dix-huit cavaliers et neuf chevaux, trois ânes. Nous nous sommes glissés parmi les figurants.
Il a fallu arriver à 19 heures pour comprendre la configuration particulière des lieux, explorer le labyrinthe des arcades et travées, constater la pente de scène : 12 %. Que ce soit pour la grande entrée principale ou les deux latérales, il faut gravir une dizaine de marches. Seuls les dégagements semi-circulaires sur les côtés offrent une progression linéaire. C’est par là que les juments Lella et Attica, entre autres, accéderont à la scène. Ici, on ne sort pas à cour ou à jardin mais côté mairie (municipio) ou église Saint-Nicolas (chiesa di San Nicolo all’Arena). Les recommandations du régisseur général, Yamala Das Irmini, sont génériques mais encourageantes. « Zeffirelli a fait des gens du peuple un rempart pour Carmen, explique-t-il. Il suffit de suivre les mouvements de la foule et de s’immerger dans la beauté ! » Et aussi de coller au plus près la charmante Mila Stella Anna, comédienne vivant à Parme, qui travaille chaque été comme figurante depuis 2019.
Il vous reste 55.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish